Vous savez probablement que le nom de notre espèce est Homo sapiens : Homo étant le genre auquel nous appartenons, et sapiens étant le qualificatif de notre espèce. Dans cet article, nous allons plus spécifiquement nous intéresser au genre Homo afin de comprendre ce qui peut le définir. Et vous allez voir, ce n’est pas aussi simple qu’il y paraît !
Qu’est-ce qu’un genre ?
Pour classer le vivant, il existe des “entités” tel que le règne,l’embranchement, l’ordre, la famille ou encore le genre et l’espèce. Le genre est donc l’entité qui se trouve juste avant l’espèce, celle-ci étant la plus petite unité taxonomique, juste au-dessus de l’individu. Le genre est toujours écrit avec une majuscule, contrairement à l’espèce et l’ensemble doit être écrit en italique, d’où Homo sapiens dans notre cas.
Il existe deux grandes propositions pour définir le genre dans notre système de classification :
- La première définition consiste en la proposition d’Ernst Mayr, un naturaliste et ornithologue français appartenant à l’école de systématique évolutionniste de classification. Selon lui, un genre doit être interprété comme étant un groupe d’espèces ayant une ascendance commune qui soit homogène bien que présentant des distinctions adaptatives. Cette définition n’exclut donc pas de regrouper sous un même genre des populations paraphylétiques, c’est-à-dire avec qui regroupe une espèce ancestrale et une partie seulement de ses descendants…
- La deuxième proposition s’appuie sur les travaux de l’entomologiste allemand Willi Hennig et est associée à l’école de classification phylogénétique systématique ou cladistique. À l’inverse de la proposition précédente, le genre est un groupe d’espèces regroupant exclusivement des populations monophylétiques, c’est-à-dire qui regroupe l’espèce ancestrale et l’ensemble de ses descendants. C’est cette approche qui est actuellement privilégiée.
L’histoire du genre Homo …
Homo, en latin, signifie « Homme », « être humain », au sens générique.
Carl von Linné publie dans la 10e édition de son Systema Naturae en 1758 deux espèces rattachées au genre Homo. D’un côté, Homo sapiens pour désigner notre espèce et de l’autre Homo troglodytes, une espèce alors décrite par des voyageurs ayant fait un amalgame entre l’orang-outan asiatique et le chimpanzé africain.
Concernant les premiers restes fossiles rattachés au genre Homo, ces derniers ont été découverts en 1857 dans la grotte de Feldhofer dans la vallée de Néander en Allemagne. Ces fossiles seront référencés sous l’espèce Homo neanderthalensis. Cependant, des fossiles néandertaliens avaient déjà été découverts en 1829 et 1848 mais leurs découvertes étaient passées totalement inaperçues.
Par la suite, beaucoup de fossiles vont être rattachés à différentes espèces du genre Homo. Voici une liste non exhaustive :
- 1893 : Pithecanthropus erectus qui deviendra Homo erectus dans les années 1940.
- 1899 : Découverte des fossiles de l’abri Cro-magnon, d’abord référencés sous le nom Homo spelaeus, aujourd’hui rattachés à notre espèce, Homo sapiens. pour en savoir plus notre podcast
- 1908 : description de la mandibule de Mauer qui va mener à la création de l’espèce Homo heidelbergensis.
- 1921 : Homo rhodesiensis.
À chaque fois qu’une nouvelle espèce était découverte, la compréhension du genre Homo pouvait évoluer. Par exemple, en 1964, la découverte de plusieurs fossiles attribués à Homo habilis, a conduit à une redéfinition de ce genre.
Avant d’attribuer les fossiles à l’espèce Homo habilis, une nouvelle définition du genre Homo a été publiée. Dans cette nouvelle description, la taille du cerveau minimale nécessaire pour appartenir au genre Homo a été révisée à la baisse, afin que les fossiles, dont notamment l’holotype c’est à dire le fossile de référence OH7, puissent être classés comme une espèce de ce genre. Les chercheurs ont suggéré qu’Homo habilis pourrait être un lien entre les Australopithèques et Homo erectus. Cette proposition a permis de considérer Homo habilis comme le premier véritable humain. Dans ce même article de Leakey, Tobias et Napier, ces auteurs associent Homo habilis aux plus anciennes pierres taillées connues à ce moment-là. À cette époque, il était en effet impensable qu’un représentant d’un autre genre puisse tailler des pierres.
Quels sont les critères pour appartenir à l’Homme aujourd’hui ?
En préambule, il est important, comme l’a souligné le Professeur Yves Coppens, il n’y a pas de synonymie entre le genre Homo et Homme, le premier n’étant que purement anatomique alors que le second peut prendre en compte des comportements (taille de la pierre, organisation sociale) et des concepts plus philosophiques.
Cinq critères généraux souvent proposés pour l’Homme, dont les trois premiers se basent sur des critères anatomiques et sont illustrés dans la définition du genre Homo. Néanmoins, comme nous allons le voir, ces critères présentent souvent des contre-exemples.
La capacité crânienne est souvent proposée pour délimiter les Hominines appartenant ou non au genre Homo, en partant du principe qu’en dessous de 600 cm3 il s’agit d’un autre genre. Ainsi, les fossiles présentant une capacité crânienne inférieure à 600 cm3 ne sont pas considérés comme appartenant au genre Homo. Cependant, nous avons depuis 2003 un contre-exemple avec la découverte d’Homo floresiensis qui présente une capacité crânienne d’environ 380 cm3.
Le deuxième critère anatomique concerne la notion de “human hangrips” pour parler d’une prise très précise grâce au pouce opposable de la main. Cette adaptation reste néanmoins difficile à quantifier. À partir de quand décide-t-on qu’il s’agit d’une prise de précision ? N’oublions pas également que les os des mains sont petits et donc difficiles à retrouver lors de la fouille.
Le troisième critère concerne la bipédie. Un nouveau critère est parfois avancé, celui d’une adaptation à la course d’endurance. En effet, l’adaptation au niveau du squelette pour permettre une bipédie plus efficace et donc une adaptation à la course d’endurance pourrait être finalement le critère le plus représentatif pour ce genre, car notre squelette est très adapté à la marche bipède. Par exemple, Chez les êtres humains, l’acquisition de la bipédie s’est accompagnée d’un élargissement et d’un raccourcissement du bassin (dit en compression). Ce remodelage présente de nombreux avantages biomécaniques comme le soutien des viscères. (article bipédie)
D’autres critères non anatomiques sont également avancés pour définir l’Homme.
Il s’agit de la capacité à avoir un langage articulé. Néanmoins, en l’état actuel de nos connaissances, nous n’avons pas la possibilité de l’étudier sur les espèces fossiles. Ce critère ne fonctionne donc pas quand il s’agit des Hominines aujourd’hui disparues.
L’autre critère qui a été proposé est la capacité à fabriquer des outils. Or, nous n’avons pas de traces de représentants du genre Homo avant 2,8 millions d’années et les plus anciennes pierres taillées sont datées à 3,3 millions d’années (voir article Lomekwien). Ce critère ne fonctionne donc plus.
En conclusion…
L’augmentation du nombre de fossiles découverts a provoqué une extension des caractères morphologiques que l’on peut considérer comme caractérisant le genre Homo et culturels pour définir l’Homme. Cela peut s’expliquer par le fait que le registre fossile est très incomplet, voire inégal entre les différentes espèces. Il ne faut pas non plus oublier que ce genre existe depuis déjà 2,8 millions d’années avec des comportements culturels très divers ce qui ne permet pas, même en mettant les critères physiques de côté, de trouver une unicité. Quand nous voyons la difficulté à établir des critères spécifiques permettant de définir ce genre, nous pouvons nous demander si, finalement, il est réellement possible d’être à la fois l’objet l’étude et celui qui l’étudie ?
Si vous avez une idée de définition à nous soumettre, n’hésitez pas !
Nous espérons que cet article vous a intéressé ! Pour rester informé.e de nos actualités et dernières publications, vous pouvez vous abonner à notre newsletter. N’hésitez pas également à nous suivre sur nos différents réseaux sociaux (Facebook, Instagram, X, TikTok, Mastodon, Threads). Le contenu proposé est différent selon chaque réseau, vous offrant ainsi votre dose quotidienne de Préhistoire ! Vous pouvez également nous retrouver sur YouTube, Discord et écouter notre podcast Prehistor’hic !
Si vous avez la moindre question concernant cet article ou si vous souhaitez nous contacter, vous pouvez nous envoyer un mail à silex@prehistorytravel.com ou laisser un commentaire sous cet article.
A bientôt,
Bibliographie :
Bramble D.M., Lieberman D.E. (2004) ‒ Endurance running and the evolution of Homo, Nature, 432, 7015, p. 345‑352.
Leakey L.S.B., Tobias P.V., Napier J.R. (1964) ‒ A New Species of The Genus Homo From Olduvai Gorge, Nature, 202, 4927, p. 7‑9.
Prat S. (2022) ‒ Emergence of the genus Homo: From concept to taxonomy, L’Anthropologie, 126, 4, p. 103068.
Merci à Sandrine Prat pour la relecture de la première version de cet article.