Il y a donc un chevauchement chronologique entre les plus anciens Paranthropes et les Australopithèques les plus récents, Australopithecus sediba ayant vécu jusque 1,9 Ma, ainsi qu’avec le genre Homo qui émerge vers 2,8 – 2,5 Ma.
Le genre Paranthropus est relativement facile à distinguer des autres genres. En effet, il se caractérise par un appareil masticateur extrêmement développé, avec des mandibules massives, des prémolaires et molaires de très grande taille et des muscles masticateurs très puissants. De façon générale, les Paranthropes se caractérisent par une grande robustesse.
Un peu d’histoire des sciences
Avant de continuer plus en détails sur la morphologie de ces 3 espèces, faisons un petit point histoire des sciences quant au genre Paranthropus. En effet, la création de ce dernier ne s’est pas faite sans difficulté. Le genre Paranthropus a été défini pour la première fois en 1938 par Robert Broom suite à la découverte, la même année, de restes fossiles sur le site de Kromdaai, près de Sterkfontein en Afrique du sud. Le crâne adulte mâle retrouvé est alors décrit sous le nom Paranthropus robustus.
Quelques années plus tard, en 1951, il est suggéré (Washburn and Patterson pour ne citer qu’eux) que les différences morphologiques observées entre les genres Australopithecus et Paranthropus ne sont pas suffisantes pour justifier l’existence d’un deuxième genre, à savoir Paranthropus. Un long débat au sein de la communauté scientifique commence alors sur la légitimité scientifique du genre Paranthropus.
Le cœur du débat se situe alors en Afrique du sud, région où est également présente l’espèce Australopithecus africanus. Pour certains scientifiques de l’époque, les spécimens particulièrement robustes (aujourd’hui P. robustus) se distinguent des spécimens plus graciles (A. africanus actuellement) retrouvés également en Afrique du sud par une question de dimorphisme sexuel. Ainsi, toujours selon eux, il s’agirait d’une seule espèce, A. africanus, avec les individus robustes qui seraient les mâles et les individus plus graciles qui seraient les femelles. Néanmoins, on se rend rapidement compte que toutes les formes graciles proviennent d’un seul et même site, Sterkfontein, et qu’il en va de même pour les formes robustes qui proviennent toutes des sites de Swartkrans et Kromdraii !
De plus, le cortège faunique présent dans le remplissage sédimentaire de Sterkfontein est plus ancien et archaïque que celui retrouvé à Swartkrans. Cette variation entre les deux gisements ne peut donc pas être le résultat d’une variation sexuelle mais correspond très probablement à une variation d’espèces. Qu’à ne cela tienne, certains chercheurs décident alors de diviser l’ensemble des fossiles en 2 espèces, Australopithecus africanus et Australopithecus robustus.
En Afrique de l’est, la première trace des Paranthropes est retrouvée en 1955 dans le Bed II d’Olduvai (Tanzanie) avec la découverte du spécimen OH3 (2 dents, 1 canine déciduale et une molaire) par les Leakey. La taxonomie de ce spécimen resta incertaine jusqu’à la découverte en 1959 d’un crâne dans le Bed I d’Olduvai (OH5), toujours par les Leakey. Pour Louis Leakey, ce crâne diffère à la fois des Australopithèques et des Paranthropes et il crée ainsi un nouveau genre, Zinjanthropus boisei. L’histoire se répète et en 1967, Tobias et al. considèrent que Z. boisei est également une espèce d’Australopithèques et le rebaptise Australopithecus boisei. La dernière espèce de Paranthropes à être reconnue le sera en 1968 sous le nom de Paraustralopithecus aethiopicus (Arambourg and Coppens, 1968), l’holotype étant une mandibule adulte découverte dans la région de l’Omo (Ethiopie). Paraustralopithecus aethiopicus deviendra lui-aussi Australopithecus aethiopicus.
Ainsi, dans les années 1980, les 3 espèces actuelles de Paranthropes appartiennent toutes au genre Australopithecus. Le nom Paranthropus finit par revenir au goût du jour suite aux analyses cladistiques démontrant la monophylie (= 1 ancêtre commun) du groupe formé par A. boisei, A. aethiopicus et A. robustus. Il semble ainsi plus « logique » de les regrouper au sein d’un même ensemble et de les séparer des Australopithèques. D’après le principe d’antériorité en nomenclature (pour en savoir plus, vous pouvez lire cet article), le nom Paranthropus doit être repris.
Ainsi, A. boisei, A. aethiopicus ainsi qu’A. robustus sont donc finalement rattachés au genre Paranthropus. Néanmoins, il faut noter que tous les chercheurs ne sont pas en accord avec ceci et que certains utilisent toujours Australopithecus.
Caractéristiques morphologiques des Paranthropes
Laissons ces débats épistémologiques pour l’instant et revenons-en aux Paranthropes ! Ces derniers sont classés en 3 espèces qui ont une extension chronologique ainsi qu’une répartition géographique différente :
- Paranthropus aethiopicus est présent en Afrique de l’est entre 2,98-2,87 et 2,3 Ma
- Paranthropus boisei est présent en Afrique de l’est entre 2,3 et 1,3 Ma
- Paranthropus robustus est présent en Afrique du sud entre 2,2 et 1,2 Ma
Au niveau des caractéristiques morphologiques des Paranthropes, ces derniers sont caractérisés par un développement extrêmement important des superstructures crâniennes. Par exemple, les mâles des 3 espèces présentent une crête sagittale. Les arcades zygomatiques sont très développées et écartées du crâne. La face des Paranthropes est également large et « creuse », avec un prognathisme alvéolaire important et ils n’ont pas de menton.
Les mandibules sont particulièrement épaisses et larges (bien plus que chez les Australopithèques) et les molaires sont de très grande dimension. A l’inverse des Australopithèques, bien qu’ayant des prémolaires et molaires très grandes, les canines et incisives des Paranthropes sont petites et alignées frontalement. Quant au crâne, ce dernier présente une forte constriction post-orbitaire (resserrement du crâne derrière les orbites), une voûte crânienne basse, un os frontal très étroit, une capacité crânienne (CC) comprise entre 419-550 cm3 (pour vous situer, les chimpanzés ont une CC aux alentours de 500 cm3) et un torus supraorbitaire épais.
Il existe quelques différences morphologiques entre les trois espèces de Paranthropes. Néanmoins, la distinction entre ces derniers se fait également en fonction des aires géographiques et de leur extension chronologique.
Locomotion & habitats
Un autre point intéressant concernant les Paranthropes est leur type de locomotion. Il est par ailleurs admis que ces derniers étaient bipèdes, avec notamment une bipédie plus efficace que celle des Australopithèques qui étaient encore pour la plupart arboricoles. Néanmoins, leur bipédie différait de la nôtre étant donné que les Paranthropes ne présentent pas exactement le même squelette locomoteur que nous. Il est également proposé que, comme pour les Australopithèques, les Paranthropes aient pu pratiquer l’arboricolisme. Il faut néanmoins noter que la question de la locomotion au sein de ce groupe est très débattue car très peu de restes postcrâniens ont été retrouvés.
Enfin, les Paranthropes vivaient dans des environnements ouverts (type savane) ou fermés (couvert forestier). Contrairement à ce qui a été longtemps cru à cause de leur appareil masticatoire très développé, l’alimentation des Paranthropes n’était pas majoritairement composée d’aliments coriaces. Cette croyance avait d’ailleurs valu le surnom de « casse-noisette » à P. boisei (individu OH5). Ce dernier n’en consommait en fait que de façon occasionnelle. En réalité, l’alimentation des Paranthropes était principalement composée de végétaux.
Nous espérons que cet article introductif au genre Paranthropus vous a intéressé ! N’hésitez pas à nous poser vos questions et à nous faire part de vos remarques sur le blog. Vous pouvez aussi nous contacter par e-mail. Retrouvez-nous également sur Instagram, Facebook, TikTok, Twitter et YouTube pour suivre toutes nos actualités !
Nous remercions François Marchal, paléoanthropologue, d’avoir relu la première version de cet article.
A bientôt,
L’équipe de Prehistory Travel.
Bibliographie :
[1] P. Constantino, B. Wood, “Paranthropus paleobiology”, In: Miscelanea en Homenaje a Emiliano Aguirre. Volumen III: Paleoantropologia, 2004.
[2] D. Grimaud-Hervé et al., Histoire d’ancêtres. La grande aventure de la Préhistoire, Errances, 5e édition, 2015.
[3] A. Rotman, “The Robust Australopithecines: evidence for the genus Paranthropus”, University of Western Ontario Journal of Anhtropology, 2011.
[4] C. Springer, P. Andrews, The complete world of Human evolution, ed. Thames & Hudson, 2011
[5] B. Wood, Wiley-Blackwell Encyclopedia of Human Evolution, Wiley-Blackwell. Reprinted edition (2013).
[6] B. Wood, P. Constantino, “Paranthropus boisei: Fifty years of Evidence and analysis”, Am. J. Phys. Anthropol. 2007